Le Concile Vatican II n’a défini la synodalité en aucun de ses textes. De ce fait il semble impossible de fonder théologiquement ce qu’on doit comprendre comme synodalité en lisant les textes conciliaires. Et pourtant la synodalité définit très bien ce que le Concile a fait dans ses actes. On peut considérer que le Synode sur la Synodalité est convoqué pour que la réalité du Concile soit plus pleinement vécue au sein de notre Eglise. Le Concile en effet a été conçu non seulement comme un Synode d’évêques, mais comme un acte de l’Eglise, qui « ensemble » s’adresse en tant que Sujet, à tout homme de ce temps (traité comme Sujet) GS93. La spécificité du Concile n’est pas seulement son caractère de Synode, sinon que ce Synode se comprend comme un Sujet en relation à d’autres Sujets. Cette relation « il » l’a faite en continuité avec l’Acte du Christ, qui « est venu dans le monde pour rendre témoignage à la Vérité » Jn 18,37, DH11.
Ce Synode ne se définit pas seulement comme un chemin ensemble (Syn-Odos), mais comme un Sujet, en chemin, ensemble « avec » tout homme (GS IV), en chemin « envers » (à la rencontre de) tout homme, pour qu’eux aussi - et c’est là la finalité - ils soient arrosés des énergies vivifiantes de l’Evangile « Mission » (Cf Jean XXIII). Si c’est en même temps, comme nous venons de le dire, un chemin « avec », et un chemin « pour », c’est de ce fait un chemin « d’accueil et de réceptivité » de Dieu, et aussi une fécondité « Fruits ». Cela inclut une capacité de recevoir « Dieu » à travers les autres, et une fécondité de la vie divine chaque jour plus grande en tout homme (GS93). Comme disait un auteur récemment « comment entendre la voix de Dieu si l’on n’entend pas celle d’autrui ! ».
L’image du puisatier est une des images de la mission les plus parlantes et c’est une de celles qui a le plus aidé à comprendre ce que les évêques conciliaires entendaient faire dans ce Synode.
L’acte que les évêques ont posé devient ainsi la vraie matrice de toute synodalité ecclésiale. Puisqu’il s’agit de « marcher ensemble avec les hommes pour les rencontrer dans leur situation de sujets dans l’histoire », Il s’agit d’accueillir la médiation de Dieu qu’ils nous apportent, et qui nous déstabilise parfois (cœur de l’attitude synodale : « en m’ouvrant à l’autre je suis bousculé, et quelque chose de la nappe phréatique émerge en moi et en lui »). Il s’agit aussi, d’être porteur de la façon dont le Christ veut faire jaillir en nous, et dans les hommes avec lesquels nous partageons, « les sources sans mesure de l’Esprit ». Cette responsabilité est aussi au cœur de la mission Synodale. Il ne s’agit pas d’une efficacité quantitative et managériale, mais d’une fécondité spirituelle. Laïcs et ministres ordonnés, sont appelés à porter ensemble cette responsabilité. Chaque Sujet ecclésial est appelé à investir tous ses talents pour que l’accueil du Royaume qui est en train de venir en permanence puisse émerger. Le style de François d’Assise devant le sultan Kamil est un modèle toujours actuel de cette mission synodale : qualité de la rencontre et d’accueil personnel, qualité de témoignage et de mission, qualité de disposition au don de Soi-même et de Vérité. Toute l’attitude de François d’Assise, lors de cette rencontre est fondée sur la vraie glorification de Dieu et c’est ce qui a réveillé dans le cœur du sultan l’appel à la foi…
Dans nos sociétés de plus en plus fragmentées, la vision théologale qui vient d’être évoquée risque de disparaître au profit d’un pragmatisme à courte vue. C’est l’écueil de la Mission sans Synode. La Mission de l’Eglise peut alors facilement se réduire à une tâche managériale, menée selon les critères « économiques » en vogue dans d’autres administrations, mobilisant toute la créativité des acteurs pastoraux, les excitant même et leur donnant bonne conscience d’avoir réalisé quelque chose au service de tous. « Or, à terme, c’est un ecclésio-centrisme plus ou moins larvé et une manière de se conformer aux valeurs libérales de la société qui s’installent ; résultat qui s’aggrave encore s’il se relie à une sorte de « néodarwinisme » inconscient qui, dans certains milieux, risque de confondre le nombre et le poids socio-politique des adhérents au catholicisme et la fécondité de l’Evangile. » On comprend que, dans ce cas, on ne se pose pas de questions sur le « comment synodale de l’Eglise ? » Ou sur quels chemins l’Evangile de Dieu peut-il configurer nos vies ? Facilement pour eux le Synode apparaît comme une excuse, une perte de temps
Effectivement il peut l’être, s’il est seulement une réunion pour se « sentir ensemble » selon un mode émotionnel, sans finalité. Il peut paraître aussi inutile s’il s’agit d’une espèce de referendum de convocation populaire, pour changer un quelque chose dans la structure « politique » de l’Eglise. Cependant, s’il est perçu comme le Pape François le dit, c’est une spiritualité jésuite q qu’il veut donner à l’Eglise. Alors sera reçu « le discernement communautaire de l’Esprit » à partir d’une relecture théologale de l’action de Dieu. Ainsi l’Eglise pourra mieux vivre à la hauteur de la fécondité de Dieu. Et alors notre dynamique synodale paraîtra une merveille. Dans ces lignes, nous ne pouvons pas en développer le concept. Alors relisons ce que le Seigneur nous a amené à vivre dans notre paroisse, profondément modelée par les Exercices spirituels de Saint Ignace de Loyola : Le conseil pastoral de la paroisse (Pôle) a réalisé, il y a deux ans, les Exercices d’un mois, pour apprendre le discernement dans la Mission. La venue des reliques de Saint Claude la Colombière, nous a amenés à nous interroger, sur l’importance du discernement communautaire. L’appel Synodal s’inscrit pleinement dans cette perspective. Mercredi soir Mgr Fonlupt l’a lancé pour la Ville d’Avignon. Ce temps de l’Avent, nous le lançons sur notre paroisse. C’est peut-être la meilleure manière de vivre ensemble notre temps d’attente du Seigneur.
Père Paco