Mars 2024 : L’autre désert de Carême : "Reconnaître le Christ dans le prochain »

29 mars 2024

L’AUTRE DÉSERT DE CARÊME : « RECONNAITRE LE CHRIST DANS L’AUTRE »

« Car la volonté du Père est qu’en tout homme nous reconnaissions le Christ, et que nous l’aimions efficacement, en action et en parole, rendant ainsi témoignage à la vérité ». GS93

K Rahner met en évidence l’aspect existentiel du problème. « Jésus reproche à tout ce que nous appelons réalisme son irréalité ». S’il s’identifie avec des hommes, ce n’est pas par une fiction juridique. C’est en toute vérité, que dans les personnes, les personnes les plus démunies, dans toute personne, nous faisons sa rencontre. Mt 25,40.

Il faut laisser aux mots leur signification telle qu’elle est. Il faut y ajouter foi. « Nous réfléchirons donc à la façon dont ces mots pourraient être vrais, mais nous ne touchons pas à leur vérité ». « Nous nous dirons avec effroi qu’il faut avoir saisi bien peu de chose de ce qu’est l’agapè de Dieu, cet amour de Dieu en Jésus-Christ qui se vide de lui-même, pour ne pas saisir qu’il existe réellement en ce monde un amour, l’amour de Dieu précisément, capable de se porter là où, semble-t-il, il n’y a plus rien d’acceptable ; un amour qui n’est pas condescendance bienveillante mais identification réelle, souverainement vraie et efficace, avec ces pécheurs ; un amour qui se dépouille, s’expose, s’abandonne et se consume, un amour dans lequel celui qui aime n’existe plus qu’à travers l’être aimé ». 

Le Seigneur est là en toute vérité, dans ces êtres perdus que nous rencontrons dans les prisons ou dans les périphéries, dans ces inconnus que nous n’avons pas envie de rencontrer, dans cet étranger qui nous fait peur, dans ce « porteur d’handicap » qui nous ramène à nos propres peurs. Le Seigneur est en eux par sa patience, et par cette toute-puissance, qui jusque dans la moindre de ces épaves de la mer du monde, voit une personne, une valeur éternelle, un frère du Verbe de Dieu venu dans la chair, un être aimé avec tout le sérieux de Dieu (pp.90-91).

 « ... C’est le Christ que l’on honore et que l’on adore (qu’on le sache ou non) chaque fois qu’un homme est pris inconditionnellement au sérieux, chaque fois que l’on sait, fût-ce à travers la pire expérience, que le regard que l’on jette sur son semblable ne plonge jamais dans le vide, mais dans le mystère de Dieu, là où se trouve cachée l’image éternelle de cet homme . . . »

« Oui, si l’homme est ce qu’il est, une nature marquée par la grâce, c’est parce que Dieu a voulu être l’Homme-Dieu, qu’il s’est voulu lui-même homme, et qu’en vertu d ’une telle décision on ne peut plus rien dire de Dieu qui n’ait valeur de vérité pour l’homme ; c’est parce que Dieu (d’une façon toute gracieuse c’est vrai, mais c’est ainsi) ne serait pas présent, s’il n’y avait pas l’homme… », « Là où par conséquent on a encore assez de respect et d’humilité pour ouvrir son cœur à la créature humaine la plus pitoyable et au coquin le plus vulgaire, c’est le Christ que l’on reçoit, c’est le Christ que l’on a trouvé. » (P.96.)

EXTRAITS de Karl Rahner, Au service des plus pauvres., dans Mission et Grâce. Au service des hommes, Marne, Paris, 1965, pp.83-109,