« Sur la terre comme au ciel… Et les problèmes de notre temps ».
Savoir articuler les différentes dimensions du temps est toujours une grande difficulté dans notre vie. En fait, elles ne s’intègrent que lorsque nous vivons un vrai rapport avec le Christ, mort et ressuscité. Nous sommes invités à contempler de près comment le Christ lui-même vit le temps, tout en essayant de le suivre nous-mêmes dans notre vie concrète. Cette intégration, désirée consciemment ou inconsciemment par tous les hommes, n’est pourtant pas trop bien réussie chez la plupart de nos contemporains, parmi lesquels je me trouve.
Le début du mois de novembre (avec les fêtes de la Toussaint et de la Commémoration des Fidèles Défunts) nous rappelle que la dimension qui donne sens à tout le reste est justement celle de la Vie Éternelle. Voir le ciel, attendre le ciel, espérer la rencontre définitive avec le Christ, qui nous attend pour que nous participions à la Vie Trinitaire (la prière de Jésus au Père que nous soyons UN dans leur Unité, Jn 17) est le terme personnel et communautaire de nos chemins. Dans la foi c’est la merveille la plus grande de nos attentes. En contemplant nos frères et sœurs qui vivent déjà au ciel, un grand ballon d’oxygène nous envahit et nous permet de respirer dans ce présent de notre monde, si pollué parfois.
Le « regard vers le ciel » a pu faire évader beaucoup d’hommes et femmes dans l’histoire de leurs responsabilités présentes. Le temps n’est pas que ce futur. Notre présent est déjà marqué par ce futur, et notre futur (personnel et communautaire) se joue dans notre présent. Cette perspective demande de vivre notre histoire sans oublier de regarder chaque jour au moins dans cette double dimension. Cela est déjà une première intégration à vivre (non l’unique), même si dans notre société on y est très peu habitués.
La mort apparaît dans notre culture quotidienne comme quelque chose à cacher, et l’unique accès que l’on a d’elle se trouve dans les impacts violents des informations, ou dans les films où l’on a souvent du mal à l’intégrer comme une partie harmonieuse de la vie (cf. Etty Hillesum). Le présent apparaît toujours comme « sans mort » et du coup on le vit de manière aliénée. Le pessimisme ambiant naît directement de cela. Mais... qui est capable de vivre quotidiennement dans la double dimension ? Seul l’homme liturgique peut le vivre. Et il y a tellement peu d’hommes et de femmes liturgiques !
Cependant l’intégration du temps ne s’arrête pas ici. Lorsqu’on s’habitue, petit à petit, à fixer toute notre vie dans cette double dimension, d’autres articulations également nécessaires et qui dérivent de celle-là, apparaissent.
Par exemple, celles de l’investissement quotidien dans le travail : Vit-on un rapport de participation à la création ? ou un rapport purement utilitariste, des-impliqué et fuyant pour gagner des sous ?...
Cela a aussi un impact fort sur la manière dont on vit les relations fraternelles : Prenons-nous au sérieux les personnes pour ce qu’elles sont ? ou bien recherchons-nous une efficacité qui fait des autres « des pièces de notre stratégie » ? La paroisse est appelé à être une communauté en marche qui en même temps sait reconnaître les « présences de Dieu » dans la communion déjà en acte.
En regardant les problèmes actuels de notre Église (synode de la famille, mission versus dialogue, sécularisme et identitarisme, etc), il me vient dans l’esprit que souvent, dans les tensions non résolues on cherche de fausses solutions pour ne pas tenir compte de cette juste intégration des différentes dimensions du temps. Par exemple, par rapport aux problèmes de la famille et de la fidélité dans le sacrement de mariage, tenir compte des différentes dimensions du temps et de son intégration donnerait une pratique pastorale non réduite à des simplifications qui font plus de mal que bien. Oublier que les sacrements ont une dimension éternelle que nous ne pouvons pas maîtriser est fatale. Et ne pas vivre le présent comme un chemin vers la plénitude aussi.
(suite l’édito prochain)
Père Paco Esplugues