Cent cinquante ans après que le pape Pie XI ait institué Saint Joseph patron de l’Église Universelle, le pape François a déclaré 2021, année de Saint Joseph. Cet homme de Nazareth, dont les racines se trouvaient à Bethléem en Judée, est spécialement lumineux pour notre époque. Je voudrais vous faire découvrir l’actualité de cette figure pour notre temps bouleversé. Elle nous donne un puissant éclairage anthropologique et nous ouvre des routes profondément signifiantes.
Une première approche renvoie à un aspect inattendu. Youssouf (Joseph en hébreu) signifie l’homme « augmenté ». Le même terme employé par les transhumanistes. Coïncidence ou vraie parabole, j’ai bien aimé creuser cet horizon. Des merveilles s’en dégagent. Peut-on parler de saint Joseph comme d’un homme vraiment « augmenté » ? N’est-il pas plutôt l’homme diminué ? N’est-il pas entré et sorti dans la Bible par la petite porte ? Peut- être pour les regards superficiels. Pas sûr, si on regarde de plus près.
Les transhumanistes –qui poursuivent leurs basses œuvres de soumission à leurs caprices dans le monde grâce au COVID, aux vaccins, aux puces, au contrôle des dynamismes psychiques de la population, et aux médias qui n’acceptent pas les contradicteurs de la pensée unique– croient profondément que ces « augmentations diverses » leur permettront de vivre dans un monde transformé selon leurs « désirs ». Mais comme je le disais dans l’édito du mois de décembre, ils succombent à la répétition et à la banalité du péché. Et nous, si nous restons dans cet espace trompeur, nous deviendrons facilement les pièces de ce système qui traque les mouvements et les relations instinctives, clé du globalisme. Nous risquons alors une épidémie pire que celle de la COVID, celle des consciences dirigées par une nébuleuse glauque et liquide. Quelque chose de cela est à l’œuvre. Mais là, la mission de Joseph devient éclatante et l’année de saint Joseph plus que pertinente pour faire face au moment historique que nous vivons. St Joseph est-il vraiment « augmenté » ? Et en quoi ?
Nous avons toute l’année pour scruter la signification profonde du joyau de son témoignage. Dans le silence de sa vie à l’ombre de l’Incarnation de Dieu il laisse voir les merveilles d’une vraie augmentation. Celle de l’homme intérieur, ce qui ne signifie pas qu’elle soit sans répercussion extérieure. Au contraire, St Joseph vit la répercussion sur tout le Corps de son Fils, à la manière masculine, une authentique masculinité, dans une relation profondément affective, avec Dieu et avec « la Mère et l’Enfant ». Sa vie est ancrée dans l’écho le plus profond d’un homme sur terre : il ose vivre une réciprocité affective et effective avec Dieu. Cette réciprocité « dialogale » fait de lui le « père » du Verbe fait chair, car il fait pleinement sien ce que Dieu lui confie. A son école nous trouvons une réponse à la crise actuelle de l’humain, et aussi un chemin pour apprendre à discerner le dessein du Père dans les circonstances que nous vivons. Saint Joseph est une véritable école de comment découvrir la grandeur que Dieu a offert à l’homme, en lui-même et dans ses relations, par pur don gratuit de sa libéralité divine.
Au premier abord, on voit un homme juste, obéissant à Dieu au prix d’un abandon extraordinaire. Et pourtant, la chose la plus importante en lui, est tout ce qu’il a vécu en amont pour en arriver là. Surtout, le chemin de purification et croissance, chemin presque toujours caché, qu’il a vécu dans ses relations : la relation avec son fils, la relation avec Marie, la relation avec Dieu... Là, il nous a ouvert un chemin pour concevoir la plénitude que nous sommes invitée à vivre. Ce n’est pas rien !
Sa paternité est exceptionnelle. Mais si on le considère seulement comme « père nourricier », on ne comprend pas grand-chose de lui. La tradition le présente comme très âgé pour que la virginité de Marie soit préservée, comme père nourricier assurant tous les besoins matériels de la « mère et l’enfant », et comme père « putatif », c’est à dire, lui attribuant une paternité « visible » pour sauver les apparences d’une famille normale, jusqu’à la vie publique de Jésus. Tout cela est vrai sans doute, mais un peu court.
Dieu sait faire mieux que ça. L’homme « augmenté » n’est pas seulement un instrument, - (dans son cas très grand, et très bien chanté par tous les chrétiens séduits par sa figure) -, servant Son dessein. La grandeur de Joseph, devient éclatante dans la richesse d’une paternité masculine (pleinement accomplie), dans une position profondément inconfortable mais non moins capable de l’unir à Dieu. La psychologie nous montre qu’un homme amoindri n’a pas l’équilibre suffisant pour vivre une chasteté épanouie. La figure de Joseph pointe une chasteté d’une maturité affective évidente. Joseph n’était pas un homme inhibé, mais il manifeste dans sa vie une maturité pleinement déployée, il a été partie prenante dans sa vocation de devenir « père putatif » de Jésus et époux de la Vierge Marie. Il nous montre que prendre en charge en toute responsabilité la paternité, comme fécondité de l’être, accomplit la personne.
Le point le plus mystérieux et le plus élevé de la paternité de Joseph est l’éducation qu’il a donné à son fils. Nos regards, trop courts parfois, peuvent nous empêcher de voir son action paternelle. Nous concevons facilement que l’Enfant, qui vivait en permanence dans la vision béatifique, n’avait pas besoin d’un « père », autre que Dieu Le Père, et pourtant, la contemplation révèle la merveille inouïe qu’est la façon dont Joseph est le « père de Jésus ». Cette grandeur de la paternité, vécue comme obéissance radicale au Père du ciel, est la plénitude de l’humain. Jean Paul II s’en faisait l’écho dans sa pièce de théâtre « Rayonnement de la paternité » (à lire et à relire) : répondre à l’appel de devenir coopérateur avec Dieu le Père, tout en se sachant « rien ».
Peut-on prendre soin de la vie divine d’autrui « même s’il est plus grand divinement que moi » ? Oui. Cela est le cœur de toute paternité vraie et humble. Peut-on être « co-responsables » du déploiement du dessein divin de l’autre ? Oui. Pour cela il faut que le père soit intérieurement totalement investi dans cette humble mais « étonnamment immense » tâche d’accompagner l’accomplissement humano-divin de son fils. Accomplissement des figures du premier testament par Jésus dans l’École de l’alliance. Et Joseph sans aucun doute l’était.
De là jaillit une vision de la paternité qui éclaire l’apparente impuissance de tout homme sur terre à trouver la richesse de son rôle de père (tellement en crise de nos jours) et qui oriente vers la vraie puissance paternelle pleinement développée (vraie icône de la paternité divine assumée). Combien des merveilles s’y cachent ! Il est certain qu’en cette année de grâce, le Seigneur veut nous offrir une voie prodigieuse pour approcher la profondeur de la vie de saint Joseph. Les conséquences peuvent être beaucoup plus grandes culturellement, socialement et ecclésialement de ce que nous pouvons imaginer.
À l’Eglise saint Agricol, nous avons des motifs plus que fondés pour nous pencher sur Saint Joseph. Le Pape Grégoire XI institua son culte pour l’église universelle en La Chapelle de saint Joseph, (les historiens ne sont pas d’accord, mais une plaque ancienne l’indique, et les indices d’un lieu primordial du culte du saint, ici, sont avérés). Par ailleurs, depuis des années, il y a dans notre paroisse un chapelet des hommes hebdomadaire qui met en valeur son culte comme figure d’homme et père accompli, orientant son intercession vers la maturité de la vie des « pères ». Il va s’intensifier.
Cette année, en paroisse, nous allons célébrer les traditionnels 7 dimanches de saint Joseph. Tradition ancienne qui a un sens très riche et peut nous aider à avancer dans la connaissance intérieure de la paternité. Chaque dimanche, à partir du 31 janvier une conférence avant la messe du soir nous aidera à nous approcher de la figure de saint-Joseph, pour trouver en lui en intercesseur unique. Et nous nous laisserons imprégner davantage par cette figure providentielle pour ce moment de l’histoire.
Belle et sainte année de saint Joseph, Patris Cordae (un cœur de Père) !
Père Paco Esplugues