Teilhard de Chardin disait que le péché originel était présent toujours et partout. Dieu vit ce drame en permanence par la frustration de l’Amour infini qu’il nous porte et qui cherche la relation intime avec chaque homme alors que nous nous tournons continuellement vers des mirages inconsistants, qui nous détruisent et détruisent notre monde. Cela se produit sans cesse ! Os 11,3 : "Je le prenais par les bras et ils n’ont pas compris que je prenais soin d’eux".
Ce drame, ce théodrame se déroule en permanence. Pour Dieu, c’est une blessure crucifiante de tous les instants. Les hommes, eux, ne savent pas ce qui leur arrive mais ça leur arrive. Ils en subissent les conséquences sans trop comprendre ce qui se passe. Le pessimisme travaille les consciences, le climat collectif est de dégoût profond, mais le diagnostic de l’homme n’est fait que de lectures épidermiques, de constatations sociologiques, sans appréhender véritablement les enjeux. On voit les boutons d’acné ou les points noirs sur la peau, on ne voit pas le cancer ni les métastases qui se cachent sous une apparence ´normale’. Et ceux qui pourraient les voir sont dans le déni…
L’origine du mal nous échappe ! À croire les analystes, le problème est dans le CAC40, ou dans les fanatismes religieux qui ne comprennent pas le progrès de la tolérance et de la politesse démocratique. Aux justes plaintes de violences sexuelles faites aux femmes on répond par une culture de la pan-sexualité cool qui ignore complètement la puissance divine de l’Eros. Les pulsions, lorsque l’on n’est pas connecté à la Source ne pacifient pas ; au contraire elles décuplent la violence. On ne sait pas ce qu’il nous arrive mais les tensions homme, femme, black, maghrébin, blanc, banlieues, bobos, politicien électeur, ne font que s’accroître ! Les solutions des médias (visibilité du mal) ou les solutions ´républicaines (multiplication des règles) n’amplifient-elles pas plus encore l’agressivité ?
Ces diagnostics et ces remèdes n’envisagent pas de diagnostiquer les racines. Aussi, le cancer et les métastases continuent à faire des ravages. Pouvons-nous saisir l’origine et les dimensions profondes responsables de ces effets ? L’origine du mal ? Le drame et son déroulement ? Entrer dans la nuée obscure et lumineuse d’où Yahvé appela Moïse (Ex 24,16-18), pour connaître vraiment le milieu vital qui fait vivre l’âme.
À l’origine il y a une déconnexion du Vivant. A chaque instant et en permanence. (Jr 2,11-13. : « ils m’ont abandonné, moi, la source d’eau vive pour se creuser des citernes lézardées qui ne tiennent pas l’eau »). Cette déconnexion nous fait passer imperceptiblement et petit à petit d’un milieu vital à un milieu mortel acide. Les cellules de notre âme sans oxygène se déforment. Tout se passe sans qu’on s’en aperçoive. C’est le cancer de l’âme, il est là sans qu’ on se doute de rien ! La violence a des racines. Les métastases aussi. Les âmes sont malades sans trop le savoir et les relations personnelles abîmées sans trop voir comment les guérir. L’église appelle cela péché originel ! Et si on osait le regarder en face ? Le theodrame de l’origine ne se passe t- il pas à chaque instant ?
Les cancérologues disent que les déformations des cellules (cancer) se font dans un milieu acide. Dans un milieu oxygéné elles ne se déforment pas ! Ce n’est pas le même dynamisme ? La vérité du péché originel n’éclaire -t -elle pas les structures de l’âme ? Ne serait-ce pas là le juste diagnostic qui nous donnerait la clé pour nous en sortir ? Le baptême nous a libérés du péché originel et nous a mis dans le cœur divin du Christ Vivant, mais quand nous nous déconnectons du Vivant, le péché creuse à nouveau un abîme infranchissable. Le milieu acide prend le dessus. On appelle cela péché mortel.
Notre société moderne a voulu se débarrasser des récits « pour enfants » du péché originel. Il fallait être adulte en se libérant du carcan des récits culpabilisants. Et notre église « moderne » a malheureusement suivi le courant ! On nous a appelés adultes et intelligents quand , en réalité, c’est tout le contraire ! Ignorer le théodrame qui montrait l’origine du cancer de l’âme (péché) nous a réduits à un état d’aveuglement pitoyable. L’église qui ne parle plus du péché ne porte plus aucun salut. Le théodrame est là. L’âme en milieu acide, sans Dieu, se déforme imperceptiblement. Le corps du Christ a des métastases partout. L’institution-médecin (l’église), capable d’oxygéner le monde, est leucémique. Sommes-nous vraiment devenus adultes ?
Le temps de Carême qui reste et la semaine sainte sont l’échographie de la solution radicale déjà à l’œuvre mais nécessite le concours de vrais adultes pour l’accueillir ! La liturgie quotidienne nous invite à visualiser la descente aux enfers du Christ ! Il descend en permanence en-dessous de tous nos maux. Quand on contemple en face la passion que le Christ vit à chaque instant on entrevoit la vraie solution. Être adultes, ce n’est pas gommer le cancer en traitant les culpabilités comme un carcan à oublier, mais c’est oser le nommer de Son vrai nom : : péché des origines toujours à l’œuvre. Quand je confesse que mes péchés crucifient le Christ (Hb 6,6), je Lui permets, Lui qui est descendu plus bas que mes enfers, de prendre sur lui mes métastases et de me plonger dans son milieu vital oxygéné. Au-dessous de mes cancers il y a le salut. Et un vrai salut. Le prince de ce monde est jeté dehors. Les germes d’une vie saine, sans fatalisme, sont là. Le baptême a la puissance de faire vivre la sainteté.
« Celui qui demeure en Lui ne pèche plus ». 1 Jn 3,1-6. Quand le diagnostic est bon et qu’on demeure dans le Vivant, la vie sainte émerge. Sur Facebook on visionnait, il y a peu, la joie d’un enfant sourd qui commençait à entendre pour la première fois. Il n’imaginait pas ce que c’était d’entendre sa mama. Et pourtant il était fait pour échanger et nourrir son cœur par la Parole. En enlevant le sens du péché et en faisant l’autruche le concept de la vie saine a disparu. Et pourtant nous sommes faits pour la santé (sainteté en argot chrétien). Croire que ce n’est pas possible c’est comme dire qu’être sourd est normal.
Une église timorée (homologuée à la société soi-disant adulte’) qui ne parle plus du péché et qui vit dans l’acide d’une corruption couverte de miséricorde est le mal le plus grand. Mais chaque fois qu’un chrétien appréhende la descente à ses enfers du Christ et commence à demeurer dans Son milieu vital, il devient un formidable guérisseur de cellules. L’Eros de Dieu uni au cœur de la personne comble la sexualité, assainit la pensée, la rend empathique pour devenir un puissant levier de l’Amour qui bannit toute crainte. Et si nous profitions bien intensément de cette Pâque ?
Paco Esplugues, curé