Nous sommes dans le cinquantenaire pascal et ce temps est celui de l’Eglise mieux le temps du témoignage. C’est d’ailleurs le Christ Ressuscité lui-même qui l’aura voulu ainsi puisqu’au soir de sa résurrection, apparaissant aux apôtres, le Maître les a établis comme tels : « de tout cela vous êtes les témoins » (Lc 24,48). Les apôtres ont bien compris cette nouvelle mission et Pierre n’hésitera pas à affronter le Grand Conseil des Juifs et à affirmer au nom de ses pairs, parlant du mystère de la résurrection, « nous sommes témoins de ces événements » (Ac 5,32). Être témoin de la résurrection du Christ devient alors la mission de tout disciple, de tout chrétien de tous les temps. Il est vrai que personne ne peut prétendre être témoin direct de la résurrection. Car personne n’a vu Jésus ressusciter (dans le sens de le voir en train de sortir du tombeau et monter au ciel comme au jour de l’Ascension). Tout s’est passé dans le silence de Dieu. Mais quelques femmes, les apôtres et beaucoup d’autres personnes l’ont vu ressuscité, (déjà sorti du tombeau et désormais dans son corps glorieux), devenant ainsi les premiers témoins de sa résurrection.
Établis donc témoins de cette merveille de Dieu pour l’humanité, les apôtres ne peuvent plus se taire et plus rien ne saurait les empêcher à rendre compte de l’espérance qu’ils portent en eux. Malgré les menaces répétées des autorités religieuses juives et l’hostilité du monde qu’ils rencontraient, les témoins de Jésus ont gagné au Christ beaucoup de personnes car leur témoignage n’était pas fait que de paroles, il s’accompagnait aussi d’actes concrets. Quelques guérisons certes mais c’est surtout le style de leur vie communautaire qui a séduit plus d’un de leurs auditeurs devenus de fait des croyants. Le livre des Actes des Apôtres nous apprend que « la multitude des croyants n’avait qu’un seul cœur et qu’une seule âme. Nul ne disait sien ce qui lui appartenait, mais entre eux tout était commun » (Ac 4, 32). Ce faisant les apôtres rendaient témoignage à la résurrection et jouissaient d’une grande faveur auprès du peuple. Qu’il est donc beau pour des témoins du Christ de vivre ensemble et d’être unis ! (Cf Ps 133,1). C’est d’ailleurs sidérés et séduits par cette façon de faire de la première communauté que les païens d’Antioche ont donné à ces premiers témoins le sobriquet de « chrétien » (Ac 11,26) qu’on pourrait traduire par partisans ou amis du Christ et qui révèle bien leur novelle identité. Ces premiers chrétiens sans grandes instructions religieuses et sans grands discours mais par leur témoignage de vie centré sur la vie de Dieu dont ils étaient les hérauts ont réussi à gagner à eux beaucoup de personnes même ceux qui refusaient de croire au début.
Notre monde d’aujourd’hui a encore besoin des témoins de la résurrection du Christ, des personnes qui se donnent et se sacrifient pour les autres et c’est chaque chrétien qui est appelé à cette mission. Baptisé dans le Christ, le chrétien est en effet établi témoin de la résurrection (heureux celui qui aura cru sans avoir vu) (Jn 20,29). Et comme témoin, le chrétien doit devenir un astre de lumière qui brille dans ce monde dévoyé et perverti (cf Ph 2,15), par la cohérence de sa vie avec la Parole annoncée qui le pousse à porter et même à supporter les plus faibles. Combien de personnes refusent de croire ou désertent nos églises de nos jours parce qu’ils ne rencontrent pas de chrétiens véritables témoins du Christ qui annoncent et vivent dans la joie de l’Evangile ? Que de personnes auraient-ils ramené au Christ et même converti si les chrétiens vivaient en témoins authentiques de la résurrection non pas seulement par le culte mais surtout par leur vie de tous les jours centrée sur le Christ, l’Unique Sauveur ! On raconte que le philosophe Allemand Nietzche aurait déclaré qu’il croirait volontiers en Dieu si les chrétiens vivaient vraiment en témoins du ressuscité. Celui là l’Eglise l’a perdu. Mais combien d’autres l’Eglise n’a-t-elle pas perdu par le manque de témoignage sincère de ses membres, le manque de fidélité à l’Evangile. Nous devons le savoir, le témoignage de vie chrétienne centré sur Dieu et tourné vers le prochain est un puissant levier d’évangélisation dans le monde de ce temps. Le Pape Paul VI dans son allocution aux membres du Conseil des Laïcs le 2 octobre 1974 reprise dans Evangelii Nuntiandi a laissé entendre : « Pour l’Eglise, le témoignage d’une vie authentiquement chrétienne, livré à Dieu dans une communion que rien ne doit interrompre mais également donné au prochain avec un zèle sans limite est le premier moyen d’évangélisation. Car l’homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres ou s’il écoute les maîtres c’est parce qu’ils sont témoins. » (Cf. Evangelii Nuntiandi §41).
C’est à nous, chrétiens d’aujourd’hui, de devenir ces témoins que les hommes de ce temps peuvent écouter afin de leur indiquer le Christ et de les lui conduire. Alors que les communautés chrétiennes et les familles cessent d’être une somme d’individus disparates mais deviennent des lieux où se partagent la solidarité, la fraternité, la joie des fils d’un même Père et où les plus forts portent les infirmités des plus faibles. Notre monde d’aujourd’hui a vraiment besoin des témoins, des chrétiens qui ont une sensibilité pour les misères et les souffrances des autres, qui prennent partie pour la vérité, la justice et la paix même au mépris de leur vie. Les souffrances, les difficultés voire la mort ne doivent pas faire peur car le témoin est toujours un martyr (c’est d’ailleurs le sens grec du mot témoin). N’ayons donc pas peur de nous affirmer témoins du Christ Ressuscité toujours et partout. L’Esprit Saint nous devance en tout, osons seulement vivre en témoins authentiques de la résurrection par notre vie centrée sur le Christ et tournée vers le prochain alors nous gagnerons beaucoup de fidèles à Dieu pour sa plus grande gloire et le relèvement de notre humanité.
P. Christian WOROUK