« Le Verbe de Dieu s’est fait chair et il a habité parmi nous… La loi est venue par Moïse, la grâce et la vérité sont faites par Jésus Christ »
Le pape Benoît XVI insistait à Prague sur un sujet qui lui tenait à cœur : « le christianisme a toujours été une minorité créative ». Paroles sages qui donnent la vraie perspective de ce que le christianisme est en mesure de pouvoir offrir, sans doute encore aujourd’hui, à une société assez pessimiste et malade. Le cap n’est pas perdu si nous nous focalisons bien sur ce que nous vivons.
Aussi le pape François insiste en Evangelii Gaudium sur l’importance d’une pastorale créative. Le contrôle et la « pure répétition du passé est un fossile qui ne peut pas transmettre la vie. ». Mais comment peut-on devenir créatifs ? Ce n’est pas un bon slogan si on ne tient pas compte des crises qui nous assaillent ?
Est-il possible de devenir créatifs par pur volontarisme ? L’inspiration vient-elle en vertu d’une décision du pape ou en sollicitant un peu plus nos neurones ? Existent-ils des chemins humains qui sont porteurs de vraie créativité ? Quand on regarde l’histoire de près on voit que oui. Il y a de vrais chemins humains qui engendrent des minorités créatives. Non pas dépendantes seulement du génie de quelqu’un mais de chemins humains concrets « au-dessous de la voûte étoilée » qu’il faut identifier.
Au départ il faut prendre au sérieux que créer, proprement créer, seul le Créateur le fait. Si l’on comprend la créativité comme un changement de tout, qui voudrait remplacer le Créateur (tentation chimérique de notre monde moderne), on ne crée rien, on détruit. Apprentis sorciers, science qui pourrit la planète, etc.! Mais, se savoir appelés par le Créateur pour porter la création à son accomplissement, en revanche, cela remplit notre propre vie. C’est avec cette orientation de base que l’action peut devenir créative.
En outre, elle ne doit pas venir seulement d’un individu, elle doit être une intuition partagée capable de rejoindre l’agir d’autres personnes. Que celles-ci sentent un chemin de réalisation communautaire vers leur plénitude ! Jésus Fils de Dieu et homme parmi les hommes ne s’est pas limité à développer sa mission personnelle, il a formé une famille d’hommes et de femmes portés par des formes d’agir vers un tout qui les accaparaient et les « réalisaient ». La grâce et la vérité sont offertes par Jésus (Jn 1,14) en formant une famille !!! À sa suite, c’est le projet partagé par les amis de Benoît ou par les amies de Mère Teresa qui le décline et l’organise en minorités créatives pleines de signification et attirantes pour les autres.
L’individualisme est mortifère ; la pure répétition de ce qui a fonctionné avant est fossilisant ; rester dans le spiritualisme et couvrir d’encens pseudo-spirituel les défaillances de la construction d’une famille est mortel. Mais dans l’incarnation du Fils de Dieu se dégage une façon de vivre qui porte un projet socialement significatif et en même temps qui mène à la plénitude chacun des acteurs parce qu’ils se savent accomplis dans la mesure où leur agir ensemble crée du nouveau dans le monde. En donnant du sens au tout.
Le Verbe de Dieu se fit famille. Pouvons-nous dans ce mois de l’Avent orienter nos cœurs vers cette minorité créative qui trouve ses chemins dans l’incarnation et que beaucoup de chrétiens dans l’histoire ont vécu pour renouveler tout l’ensemble ? Devons-nous nous cantonner dans une posture de repli culturel face à la volonté explicite de ceux qui veulent faire disparaître Noël et le christianisme ? Ou bien sommes-nous capables de prendre du recul pour puiser aux sources de notre foi de nouvelles formes communautaires de création ? Comme une famille significative qui agit ensemble, chacun selon ses capacités, vers une "église » qui abreuve nos terres assoiffées, oxygène nos vies asphyxiées ?
Notre façon de vivre en famille, notre façon de vivre en paroisse, en communauté et en Eglise, vaut la peine d’être examinée dans ses fondements. Le conseil pastoral de saint Agricol est en train de le faire au moyen d’une retraite dans la vie dont le cœur est de prendre au sérieux ces dynamismes de la minorité créative... Et c’est très beau ! Mais cela nous concerne tous ! Du grain à moudre pour cet Avent !
P. Paco Esplugues