700 ans. C’est le temps écoulé entre la construction de saint Agricol par Jean XXII et la première pierre du concile Vatican II.
Notre époque est un temps d’exaspération de l’homme immédiatement confronté aux soifs absolues de son moi et à la tyrannie de l’ego de l’autre. Jamais comme maintenant chaque personne ne s’est vu sollicitée à répondre et à articuler ces soifs qui apparaissent souvent comme irréductibles :
- dans le domaine familial homme femme, et tous ses parallèles parents, enfants, amis ;
- dans le domaine de l’autorité et ses différentes corrélations entre hiérarchies et soumissions, face à l’exigence de liberté ;
- et dans le domaine religieux et des attitudes fondamentalistes face à la réalité tant scientifique que spirituelle.
Cette exaspération a tendance à se résoudre par des court-circuits qui ne tiennent pas suffisamment compte de la dimension divine de la personne humaine. Simone Weil, René Girard, Emmanuel Lévinas, Etty Hillesum… chacun à leur façon ont montré l’importance de dépasser ces court-circuits. La « guerre de religions » actuelle est un symptôme évident. L’équilibre de la civilisation romane en Occitanie et en Provence a commencé à se fissurer, il y a juste 700 ans en juin 1317 à Avignon.
Le pape Jean XXII, qui a érigé l’essentiel de notre église saint Agricol, s’est vu au même moment, impliqué dans la révolte des Fraticelli, en juin 1317. Le conflit a eu des retentissements jusqu’à aujourd’hui. En essayant toujours de valoriser un aspect de l’évangile, celui de la pauvreté, les fraticelli n’ont pas vu la profondeur trinitaire de cette vision. Son théologien principale Guillaume d’Ockham a attaqué le pape en le déclarant hérétique. Les compréhensions de la vision béatifique renfermaient des visions différentes de la participation de l’homme aux relations divines.
Le pape Jean XXII qui fut aussi un grand pasteur, et qui canonisa saint Thomas d’Aquin, avait, fruit de sa perspective thomiste, une perception très aiguë de la mission de l’humanité du Christ dans la vie trinitaire. Nous n’entrerons pas dans les controverses aujourd’hui. Mais nous voulons souligner comment l’interprétation « ockamiste « concevait que l’humanité du Fils disparaissait après l’Ascension alors que Jean XII considérait, au contraire, l’humanité du Christ comme essentielle. Peut-être il a instauré la fête Dieu à nivau universel juste en juin 1317, à cause de cela. Sa réponse n’était qu’un début. Mais son insistance sur l’humanité du Fils dans le ciel est justement d’une importance capitale pour la solution des impasses fondamentales de notre époque ! La résolution des profonds conflits relationnels de l’humain ne se fait pas sans la participation humaine aux relations trinitaires.
Évidemment il faudra arriver au concile Vatican II pour faire éclore la richesse de cette perspective. C’est en Dei Verbum 4, Dignatatis Humanae 11 et Gaudium et spes 93 que le concile montrera comment ces relations trinitaires du Fils comme homme sont essentielles pour la pleine capacité de l’Eglise d’être en relation avec l’autre comme personne au plus haut niveau de respect de sa soif d’absolu. C’est en s’associant à l’humanité du Fils qu’on peut vraiment dépasser tous les circuits diaboliques qui nous étouffent dans le climat social délétère que nous vivons. Marie en étant associée au plus haut niveau à ses relations (cf. LG 65) devient la pierre de voûte qui permet de « respirer de l’oxygène ».
Paco Esplugues, curé