Un des événements les plus marquants de ce mois d’octobre, le mois des missions, est la canonisation de John Henry Newman le 13 octobre. Vrai précurseur du concile Vatican II, Il nous aide à mieux l’interpréter pour mieux en vivre, alors que beaucoup présentent ce concile comme la cause des maux de l’Eglise. C’est faux, même si certaines interprétations erronées ont fait beaucoup de mal.
La profonde perception de l’Eglise que Newman dévoile est plus nécessaire aujourd’hui que jamais. Il disait que la conscience est le premier vicaire du Christ :« Si je devais lever mon verre, je le lèverais d’abord à la conscience, puis au pape », écrivait-il en 1875 dans une lettre au duc de Norfolk. En l’élevant au cardinalat en 1879, le pape d’alors, Léon XIII, confirma la valeur du modèle d’Église qu’il défendait : elle réunit le peuple des baptisés, tous acteurs de la vie ecclésiale, lorsque chacun permet l’éveil de l’église dans son âme. C’est dans la vérité du rapport au Christ, que se joue la vraie communion et la vraie mission. C’est en ce sens que « chacun est l’Eglise ».
La vraie Eglise est une personne en relation avec le Christ. Le Christ prend chair dans la personne qui vit en tant qu’épouse du Christ et par conséquent ne fait qu’« un seul corps » avec Lui. Une vie qui rayonne positivement ou négativement sur tout le Corps de l’Eglise
Marie est la première Eglise. Elle vit pleinement ses relations aux autres avec le même amour dont s’aiment les personnes de la Trinité (Lumen Gentium 4). Elle vit pleinement associée à l’œuvre et à la mission du Christ, unie à Jésus, son Fils et à Son sacerdoce, c’est-à-dire unie à l’offrande totale du Christ de Sa vie au Père, d’où sa maternité apostolique (Jn 16 et Lumen Gentium 65). Elle accompagne la sanctification de Jean, le disciple bien-aimé et donc, de chacun de nous. Marie nous aide à devenir personnellement Eglise, dans nos relations.
Il n’y a pas d’église quand nous restons à la surface de nous-mêmes. La vraie Eglise se réalise dans la conscience. Et dans la conscience « premier vicaire du Christ », se réalise la plénitude de la vie ecclésiale grâce au baptême et aux sacrements. Pour que cette plénitude personnelle se réalise il ne faut pas s’en tenir seulement aux moyens de grâce sacramentels que le Christ a donnés à son Eglise. Il faut développer ce que ces moyens, et notamment l’eucharistie, « source et sommet de la vie ecclésiale », voulaient inaugurer, réaliser, et transmettre à tous.
Le Concile Vatican II manifeste la théologie in « actu exercitu », c’est-à-dire cette relation des sacrements dans la plénitude de la participation des personnes humaines à la vie trinitaire, c’est à dire l’église dans l’accomplissement personnel des relations humaines en synergie avec les relations d’amour des personnes divines de la Trinité entre elles. La plénitude de cette conscience ecclésiale réalisée en Marie (associée à la personne et à la mission du Rédempteur) est la pierre de touche de tous les événements de ce mois d’octobre. En Marie baptisés et envoyés ? OUI.
En ce mois des missions le message du Vatican a comme titre « baptisés et envoyés ». Le pape François insiste, avec ce titre, sur le fait que la racine de la mission se trouve dans la profondeur et la vérité avec laquelle nous vivons le baptême. Vivre réellement le baptême est au cœur de la vraie mission. Comme le dit le pape, ce ne sont pas les techniques de prosélytisme qui attirent vers le Christ, mais Ses béatitudes vécues et rayonnantes.
Le Congrès Mission à Paris, le dernier week-end de septembre, a été un moment privilegié de rencontres avec des différents acteurs de l’évangélisation en France et dans le monde. J’ai été particulièrement touché par la pertinence du témoignage d’un baptisé nord-américain Matt Lozano, du mouvement « Ministère Délié ». Il a montré que la radicalité de la nouvelle vie que donne le baptême, et la renonciation totale au mal, était le centre d’une mission qui libère réellement du péché. Son parcours en 5 clés est essentiellement l’opposé de la vision mondanisée du christianisme trop présente sous nos latitudes. La mission qui dérive du baptême vécu en profondeur est l’annonce et le témoignage de la nouvelle vie du baptisé. Pour cela, comme Newman, il prônait de ne pas entrouvrir la moindre porte au diable, qui utilise la culture du climat « cool » et les « zones de confort affectif d’une fausse « miséricorde » pour stériliser l’annonce. Par ailleurs, ce climat travestit le sacerdoce en un ministère corrompu et en une religion du pathos (pessimisme anthropologique), au lieu d’être témoins de la Vérité de l’Amour. Si les ministres se rendent (nous rendons) incapables de faire face à la gangrène de la corruption ou de la volonté de pouvoir, ils ne pourront pas susciter des véritables actes missionnaires, ni faire naître les fruits de l’Esprit. Leurs appels à la mission deviendront stériles.
Nous pensons que les exigences évangéliques derivées du baptême peuvent et doivent encore aujourd’hui être vécues. Dans cette perspective nous vous exhortons à vous engager au service de la vie, en défendant sa dignité depuis le premier instant de sa conception. Manifester la grandeur de la personne humaine est un devoir pour tout baptisé, à Paris aujourd’hui ou par d’autres moyens, dans la liberté des enfants de Dieu.
Nous vous invitons par l’intercession de Marie du Rosaire et de Saint John Henry Newman à être les envoyés d’un baptême bien accueilli, et à offrir toutes les souffrances et les sacrifices de ce mois à Dieu, pour que naissent des minorités où la Vérité sera victorieuse.
P. Paco Esplugues