« Le grand miracle eucharistique ».
En juin un des moments forts de l’année liturgique est la Fête Dieu. Cette fête que nous célébrons a un contenu infiniment plus riche que ce que nous avons l’habitude de percevoir, puisqu’il s’agit de la réalité d’un Dieu tellement impliqué dans nos vies que, lorsque librement nous commençons à ouvrir nos coeurs à ce qu’Il vit pour nous, tout ce qui au départ nous semble traversé par les problèmes, les déserts, la sécheresse, les difficultés, se transforme en une surabondance que nous pouvons toucher.
En fait qu’il s’agisse du miracle qui a eu lieu à Lièges il y a 150 ans, ou encore de celui qui a eu lieu ici à Avignon, en 1433, lorsque le Rhône en cru envahit la ville mais où les eaux s’ouvrirent et se séparèrent en deux, de part et d’autre de l’autel de la chapelle des Pénitents Gris, pour épargner le Saint Sacrement qui y était exposé, ou de tant d’autres miracles eucharistiques qui ont eu lieu à travers le monde -en Europe, en Amérique Latine, aux Etats Unis, en Afrique- toutes ces merveilles ont pour seul but d’éveiller nos coeurs au plus grand des miracles, celui qui fait qu’en chacune de nos vies, dans notre chair et dans notre humanité, lorsque nous reconnaissons que Dieu est en nous, nous commençons à respirer un air totalement nouveau.
Dans l’Exode quand le peuple marchait vers la Terre Promise il y a eu lieu un événement étrange. Il semblerait que lorsque ils étaient en train de traverser le désert sans trop savoir où ils allaient - errer dans le désert est une réalité que chacun de nous peut vivre à certains moments de sa vie - Dieu ait voulu éprouver le peuple pour tester sa manière de réagir : « Ah, tiens ! Là ils sont en train de s’énerver ! Ah ! Là ils se révoltent ! ». Quand nous voyons notre monde nous avons parfois cette même impression.
Il est pourtant difficile de croire qu’un Dieu qui s’amuse à regarder d’en haut les réactions d’un peuple dans l’épreuve est un Dieu qui nous aime bien. Imaginez une famille ou n’importe quelle autre réalité sociale, dans laquelle la personne responsable s’amuserait à voir comment souffrent les gens sous sa responsabilité, et dont on nous dirait que son amour est infini !
En réalité, cet événement qui est figure de l’eucharistie est d’une luminosité très grande ; car ce n’est pas que Dieu veuille nous éprouver d’en haut pour voir comment nous réagissons. Dieu dans ces situations là est plutôt en train d’éveiller notre regard, d’ouvrir les yeux de notre coeur, pour que dans les événements de nos vies, pouvant être occasion de blessures, nous puissions reconnaître qu’il y a infiniment quelque chose de plus que nous sommes invités à découvrir.
Le Seigneur s’est uni à notre humanité pour que nous Le reconnaissions librement, et les épreuves que parfois nous traversons peuvent être un lieu privilegié pour ouvrir notre coeur et découvrir librement ce qu’Il vit avec nous. Car lorsque notre coeur s’ouvre, nous commençons à découvrir que la plus part des situations qui nous blessent dévoilent des désirs très vrais que le Seigneur a mis en nous mais que nous n’arrivons pas toujours à déployer.
Nous portons tous un désir d’amour, d’authenticité, de relations vraies, de dépassement de la réalité, un désir de communion qui ne soit pas menacé par les fragilités des uns et des autres. Sauf que lorsque nous essayons d’avoir des résultats tout seuls, nous nous cognons la tête et nous nous faisons mal, alors que lorsque nous apprenons librement à accueillir le Seigneur présent dans nos histoires, nous commençons à découvrir que ces épreuves sont des lieux privilégiés pour habiter l’essentiel, ce qui ne passe pas.
Nous sommes appelés à découvrir que nous sommes membres d’un corps unis au Christ et que cela ne passe pas, que nous sommes unis à lui de telle façon que son sang coule dans nos veines, et que cela ne passe pas. Qu’il y a un Amour qui traverse nos corps de mort, et qui nous attends pour toujours par amour, et que cela ne passe pas… Si je reste aveugle à ces merveilles, ma vie se dessèche, mais lorsque dans les difficultés - par une grâce énorme que le Seigneur me fait - je Lui ouvre mon coeur, je commence à découvrir que le fleuve qui coule de son côté ouvert, c’est-à-dire la source de l’amour, me rejoint.
Voilà pourquoi ce mystère de l’amour du Seigneur qui, en me faisant traverser les morts m’introduit dans ce que pour toujours je suis appelé à être, est infiniment plus grand que les nombreux miracles eucharistiques du monde entier. C’est tellement beau. A Auschwitz certaines personnes qui vivaient la menace la plus profonde qui puisse être faite au coeur de l’homme, la manipulation la plus grande, ont traversé ces terribles épreuves avec un coeur débordant d’une lumière venue d’ailleurs. De même pour des journalistes qui prisonniers au Liban, en vivant dans un cachot et menacés psychologiquement ont découvert une source qui traversait toutes ces menaces puisqu’elle ne passait pas.
Cela nous avons tous le droit d’en faire l’expérience, et c’est ce que le Seigneur nous invite à recevoir dans l’eucharistie, puisqu’au fur et à mesure que nos coeurs s’ouvrent à lui nous commençons à naître à l’action de grâce. Ce mois eucharistique par excellence nous invite à nous plonger dans la contemplation du grand miracle qui fait du présent plein de menaces le lieu privilégié de vivre et de témoigner de ce qui ne passe pas !
Bonnes vacances !
Père Paco Esplugues, curé