Tant en Israël qu’en église, les prophètes sont « gentiment » mis de côté. Et pourtant, c’est uniquement lorsque leurs appels sont pris au sérieux que l’homme trouve de l’oxygène dans son être, et que les relations trouvent un socle capable de construire le lien social entre les hommes. On dépasse alors l’uniformité du « politiquement correct », ce mondialisme et ce multiculturalisme que les médias ne cessent de véhiculer.
L’enjeu majeur de ce moment historique que nous vivons est précisément celui d’avoir un « regard prophétique », qui réussisse à dépasser les symptômes de décadence et de chaos généralisé que ces médias distillent auxquels toute notre vie quotidienne semble ne pouvoir échapper.
L’Eglise apporte-t-elle ce regard prophétique aujourd’hui ? Oui et non !
« La création toute entière attend la pleine révélation de la liberté des enfants de Dieu »- proclame saint Paul. C’est en dépassant la soumission à la corruption que beaucoup de personnes osent se demander : « Y aurait-il un air pur qui pétrisse et institue un lien social constructif ? Ou sommes-nous condamnés au pessimisme ambiant ? »
Le christianisme offre l’antidote pour faire de ce moment de l’histoire un tremplin vers la construction de l’humain. Il ne s’agit pas seulement d’apporter un élément spirituel susceptible d’arroser les terres desséchées sans Dieu. Il s’agit surtout, et c’est essentiel, d’apporter le nouveau développement de l’humain, qui lui est intrinsèque. La vérité la plus profonde de l’homme. Cette vérité vécue, comprise et témoignée, est justement l’air pur capable de régénérer la société.
Un spiritualisme qui ne rejoigne pas pleinement l’humain et le transforme, est un poison mortel, qui tue de manière imperceptible comme le CO2 le fait (il est inodore et peut tout envahir). Malheureusement nombre de strates de notre église en sont infectées. Ce n’est évidemment pas dans les perversions, sexuelles ou autres, qu’on va trouver l’air pur, mais elles ne sont que la partie visible d’un iceberg beaucoup plus profond, qu’il faut découvrir et nommer. Le système polluant le plus grand est ailleurs (cf. Benoît XVI, DCE 5). Ce n’est pas en qualifiant cette corruption comme « humaine », ni en l’occultant, ni en la transférant, que cet air pur pourrait rejoindre l’église ou la cité. Une justification faussement miséricordieuse, serait précisément le symptôme le plus éclatant qu’une évasion spiritualiste au lieu de renouveler le monde ne ferait que l’anesthésier. Apparemment c’est un rempart contre l’athéisme ou le laïcisme ambiant, mais en réalité on en fait son complément. Au fond des consciences « très religieuses », l’esprit du temps qui pénètre et corrompt l’église fait son nid. Par lui le sel de la terre est en train de perdre sa saveur, et les larves émergent.
Ainsi, l’on annonce souvent comme une évidence qu’il faut s’adapter (certains parlent d’un nouveau paradigme de l’humain que l’église devrait accueillir comme une progression). Il semblerait par exemple qu’il soit nécessaire de remettre en question le célibat ecclésiastique, ou qu’il faudrait considérer le remariage comme une réalité de fait, qu’il oblige l’église à progresser dans ce sens.
Le problème n’est pas dans la sexualité, don merveilleux à apprendre à cultiver, mais dans les raisons qu’on se donne pour justifier les impuissances et les démissions. Celles-ci sont le signe d’un aveuglement majeur. C’est là où la pollution de l’esprit rend l’Eglise incapable d’apporter l’oxygène que notre société, au fond du malaise, demande qu’on lui offre. L’amour pur qui donne la vie, qui la donne pour nous, peut-il renouveler le noyau de l’humain ?
L’antidote se trouve dans un christianisme qui, ayant dépassé l’horizontalisme post-conciliaire, est capable de dépasser aussi le spiritualisme actuel. Il n’y a pas d’homme nouveau sans un renouveau spirituel, certes, mais ce renouveau peut être un remède encore pire quand il n’implique pas une transformation réelle et totale de la personne.
Quand pour nommer le péché on parle de faiblesse, quand on ne croit pas à la force de la grâce qui régénère l’homme et la femme, on rate la cible. L’air pur vient dans le double mouvement de l’accueil des dons de Dieu et dans la conscience morale qui accueille la vérité sur le bien, et qui par cet acte réalise la transformation de l’être de la personne. Non l’homme qui dit agir en conscience à partir de ce qu’il ressent, mais celui qui agit à partir de ce qu’il sait dont la conscience (où on écoute la voix de Dieu) mène à la plénitude de son être (cf. Jn 13,1).
C’est alors que la vraie liberté et le vrai « je » éclate. L’air pur commence quand l’homme réalise son être nouveau dans la libre mise en pratique de la vérité du bien par la force de l’Esprit. Cela constitue l’air pur, pas seulement pour le croyant, mais pour tout homme (cf. 2Cor 4,4-5).
Seule une Église qui revient à la sainteté (santé morale) peut être un élément de construction de la société dès l’intérieur et le sel capable d’apporter un renouvellement consistant à notre monde et à notre société. Il s’agit de récupérer le vrai « je » de l’homme. C’est l’unique façon d’établir des relations humaines capables de transformer la différence en communion. C’est aussi l’unique voie qui permet la vraie contribution de l’Eglise à construire l’humain. Ainsi il y aura de vrais disciples missionnaires qui ne seront pas de « stupides serviles de l’idéologie régnante », mais un vrai ferment qui lève toute la masse.
P. Paco Esplugues