Pentecôte à Marrakech

30 mai 2016

Par Marc Henry-Baudot en collaboration avec Michou.Retour ligne manuel

Ne t’étonne pas si je vous dis : Il vous faut naître d’en haut !
Le vent souffle où il veut ;
Tu entends sa voix
Mais tu ne sais ni où il va ni d’où il vient.
Ainsi en est-il de quiconque est né de l’esprit.
Jean 3.8

Naître d’en haut, c’est croire que la Pentecôte a vraiment l’effet d’un souffle divin sur tous les hommes pour leur faire redécouvrir la joie de se comprendre dans leurs diversités.
Alors, elle n’est ni d’ici ni d’ailleurs et dépasse les frontières, et chacun doit pouvoir la trouver en tous lieux et en faire l’expérience.

C’est ce que j’ai ressenti à Marrakech, pendant cette semaine de réflexion sur la spiritualité et le bonheur, dans le cadre d ‘une rencontre interculturelle réunissant près de 400 personnes de toutes cultures et de tous âges, venues de France ou résidant au Maroc, chrétiens, juifs, musulmans, agnostiques ou athées, étudiants ou retraités pour lire et partager les textes fondateurs des religions et en retrouver ensemble un goût, une saveur commune.

Pour cela, nous avions lu et écouté par petits groupes de dix, ces textes parfois déroutants et compris peu à peu qu’ils n’étaient pas des constructions intellectuelles ou théologiques, mais surtout des expériences très concrètes dans leur temps et leur environnement, de personnages ou de peuples cherchant à nous transmettre le secret d’un « bonheur à vivre ensemble » : De l’échec d’une première tour de Babel, où nous serions tous formatés dans une même langue, à l’expérience des premières communautés de l’Islam à Médine dans la diversité des identités (« Le paradis c’est de vivre avec les autres et non pas de mourir avec des vierges » nous rappelait, non sans humour, l’islamologue Rachid Benzine), puis à celle des disciples de Jésus découvrant soudain qu’ils comprennent et sont compris dans toutes les langues .

« Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans sa langue maternelle, habitants de la Judée et de la Cappadoce, de la Mésopotamie, du Pont et d’Asie, d’Égypte et de Lybie,romains en séjour ici, juifs et prosélytes, Crétois et arabes… »
Actes.2.8

A Marrakech, ville d’un million d’habitants, la diversité était là et chaque journée se vivait comme un cadeau dans des lieux magnifiques ; patio de la maison Denise Masson (traductrice du Coran), patio de notre Ryad, rencontres autour des repas, des petits déjeuners, d’une visite ou d’un concert nocturne, des temps d’étude et de discussion avec les étudiants et étudiantes marocaines.
Comme le rappelait le philosophe Philippe Leblanc : la découverte d’un « style d’existence » nouveau !

Le dernier soir lors d’un concert en plein air, un orchestre et de jeunes chanteurs solistes, sous les hauts palmiers secoués par un vent puissant venu de l’Atlas, entraînaient les spectateurs dans un même rythme lent et balancé, presque sensuel, pour chanter le Prophète et la joie d’exister et de vivre dans une communion perceptible.

Le lendemain, à une messe de la communauté chrétienne, animée par une chorale de jeunes africains (nombreux ici comme étudiants ou réfugiés), j’y retrouvais, avec surprise, le même balancement des corps et des voix, arrivant presque à entraîner des assistants plus âgés, plus européens… et moins spontanés !

« Beto yimba a, beto yimba nkembo
Nkembo na nkembo kuna na zulu, ngemba na ntto na bantu ya mbote.
 »
Gloire a Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté ! (Traduction du chant africain)

La même joie que la veille était là, présente, audible et comme évidente, offerte à tous.

« Tout d’un coup vint du ciel, un bruit tel que celui d’un violent coup de vent. Ils virent apparaître comme des langues de feu, qui se divisaient et il s’en posa une sur chacun d’eux »
Actes. 2.2-3

Joie d’être ensemble, que seuls les chants, les danses et la musique réussissaient à traduire longtemps après que la cérémonie soit finie, joie profonde retrouvée non sans émotion, tels les enfants qui, seuls, aiment la vie d’un amour inconditionnel .

« Je vous le dis, si vous ne retournez pas à l’état des enfants, vous ne pourrez entrer dans le Royaume des cieux. » Mathieu 18.2

Ici, pendant ces quelques jours en terre d’Islam, hospitalière et généreuse, ai-je senti, à aucun moment un danger, une menace ?

A quelques heures du retour en Europe, on avait plutôt envie de crier : Venez, entrez dans la danse, toutes les nations… ! Au lieu de vous plaindre de tout, de vous refermer sur vous mêmes, sur vos richesses et de fermer vos frontières pour vous protéger !
Attention de ne devenir ni aveugles ni paralytiques !
J’ai compris qu’il était temps de se laisser emporter par ce vent de Pentecôte, quitte à ressentir, comme me le rappelait un ami, le vertige d’un décollage en parapente !

« Le bonheur vient du regard que nous portons sur la vie « selon le philosophe Fréderic Lenoir.
Tu m’as fait connaître des chemins de vie,
Tu me rempliras de joie en ta présence"
. Ac 2,28

Marc Henry-Baudot
En collaboration étroite
avec Michou, compagne du voyage
18/05/2016